Regarder la terre ou y mettre les mains?

Une conférence au Conseil Général de Haute Garonne sur « L’agroécologie pour réparer les sols et nourrir l’humanité » m’a donné envie de partager quelques pistes d’informations et de réflexion sur ces sujets pour les non-spécialistes.

Changer de regard avec des histoires de paysans

Je n’ai pas de lien proche avec des agriculteurs, en fait que des souvenirs de vacances à la campagne en Bourgogne dans mon enfance. Mes promenades du dimanche c’était au parc du château de Versailles et le potager du roi est un lieu qui nous montre une facette très particulière du rapport de l’homme à la nature…

Et puis j’ai lu La terre de Zola. Pas trop la rigolade. Comme beaucoup d’urbains ou de néo-ruraux, je sens bien que cette méconnaissance biaise ma vision du monde agricole. Alors lire des histoires de paysans me semble d’autant plus important.

La plume de Thierry Joncour dans « Nature humaine » nous plonge dans l’histoire d’une famille de paysans dans le Sud-Ouest. On y ressent combien la vie rurale est imprégnée des changements de la société: développement de la pub et de la grande consommation, nucléaire, voiture, tensions politiques et géopolitiques,… On y ressent comment leurs vies bousculées impactent notre rapport à l’alimentation. L’histoire de cette famille y est peinte avec beaucoup d’humour et de tendresse. Thierry Joncour a aussi écrit « Chien loup », qui évoque aussi les liens entre le mode rural, urbain et le sauvage avec beaucoup d’originalité.

Dans le rayon BD plusieurs récits optimistes et stimulants donnent une belle idée des nouvelles questions qui agitent le monde paysan:

« il est où le patron? » met en scène 3 agricultrices, patronnes de leur exploitation qui racontent avec beaucoup de réalisme, d’énergie et d’humour leur quotidien et les affres de l’entrepreneuriat féminin dans un milieu plutôt conservateur.

« Celle qui nous colle aux bottes » fait le portrait d’une jeune écologiste qui décide d’interroger son père agriculteur sur son métier. Il s’en suit des brises de becs et des débats, mais avec amour et écoute, le vieux bougon et la jeune casse-bonbon trouvent des terrains d’entente!

Dans « les ignorants » Etienne Davodeau passe une année avec un vigneron et les 2 hommes se font découvrir leurs métiers respectifs. Sécateur en main, l’auteur de BD découvre la biodynamie, la fatigue, la répétition mais aussi la passion. Et le vigneron amène de bonnes bouteilles chez l’éditeur… Une tranche de vie sincère qui remet à sa place centrale le travail manuel et patient.

Comprendre vraiment comment on nous nourrit

Marc Dufumier est l’auteur de plusieurs livres sur l’agriculture et l’alimentation « l’agroécologie peut nous sauver » « de la terre à l’assiette » et plus récemment « pour une conscience terriste ». c’est aussi un bon orateur, un peu roublard, mais dynamisant qui a pour qualité d’être audible par le monde paysan qu’il ne stigmatise pas. Lors de la conférence au conseil départemental de Haute Garonne, j’ai retenu de son intervention quelques points qui éclairent certaines évolutions souhaitables de notre agriculture:

  • l’agriculture biologique c’est bien, mais il faut faire muter toute l’agriculture pour qu’elle nourrisse tout le monde
  • il faut mixer les cultures et réintroduire des légumineuses et des protéagineux à côté des autres cultures.
  • les agriculteurs qui se lancent dans ces mutations auront plus de travail. Mais ils rendent un service à la terre et au pays: il faut rémunérer le travail agricole qui améliore les sols et restaure la biodiversité et réviser la PAC en ce sens.
  • il faut faire changer les scientifiques qui accompagnent les agriculteurs – les agronomes notamment- en ramenant le sens et le respect du savoir artisanal dans leur manière d’utiliser l’expertise.

Pour rentrer dans l’expertise et découvrir de façon intéressante, à la fois pointue et curieuse ce qu’est le sol et comment il fonctionne, il y a le magnifique livre de Marc-André Selosse « l’origine du monde«  ainsi qu’une BD sur le même sujet: « Sous terre« .

En complément, pour comprendre les données globales sur notre alimentation, comment elle évolue, d’où ça vient et comment on peut se nourrir bien en limitant notre impact, 2 publications m’ont éclairée: « manger demain, Fake or not«  qui fait le tour du sujet avec beaucoup d’infographies et de contenus courts didactiques et « En mutation peut-on être un carnivore éthique?«  une revue qui balaie plein de pistes de solutions sans dogmatisme.

Vous retrouverez certains de ces titres dans les prochaines librairies événementielles de Liblab

Team permaculture ou team agroécologie?

Même après plusieurs lectures, j’avoue ne pas avoir encore bien saisi la différence entre l’agroécologie, dont le précurseur en France est Rahbi et la permaculture dont les 2 fondateurs Mollison et Holmgren sont des Australiens inspirés par un japonais (La révolution d’un seul brin de paille de Fukuoka).

L’agroécologie est parfois présentée comme une nouvelle façon de considérer une agriculture plus durable, à échelle plus humaine. Pourtant Pierre Rabhi dans nombre de ses livres y intègre une dimension beaucoup plus large.

La permaculture, si elle est connue en premier lieu pour l’aspect jardinage, réfléchit sur toutes les strates de vie : l’habitat, le jardin nourricier, la forêt, le village ou la ville, l’énergie, le vivre ensemble…

Pour découvrir la permaculture côté jardin, j’ai particulièrement aimé les livre de Charles Hervé-Gruyer qui partage son expérience à la ferme du bec Hellouin sous plusieurs formats : « Permaculture : Guérir la terre, nourrir les hommes » essai en format de poche pour comprendre l’essentiel, « vivre avec la terre » une « bible » détaillée en 3 tomes pour ceux qui veulent un ouvrage de référence. Et enfin la jolie collection « résiliences » d’Ulmer qui décline de joli petit livres pratiques illustrés et concrets sur tous les sujets de permaculture au sens large et d’autonomie, verger, potager , bois de chauffage, mare, objets lowtech, énergies alternative, habitat partagé… Pour le pratique, je suis aussi une inconditionnelle de l’ensemble des collections de Terre Vivante.

Et pour mettre les mains dans la terre à Toulouse, je fais confiance à ma partenaire experte: Sarah du Bosquet fantastique! Son livre « Le livre animé de la permaculture » est très pédagogique pour faire comprendre la permaculture aux enfants…et aux grands.