Sommes nous prêts à (re)devenir nomade?

Devenir nomade, qu’est ce que ça veut dire? Est ce possible et quels sacrifices cela demande-t-il? De nombreuses histoires, témoignages et livres pratiques nous font rêver du sujet, mais qui ose faire le pas et quel pas?

Si l’an dernier les cafés Agitaterre évoquaient le sujet de l’habitat léger, le dernier Eco Culture Club #4 en février et l’échange avec Helène Petit sur son livre « vivre nomade en van » nous a apporté un éclairage plus fort sur ce qu’est la vie nomade.

Partir quelques jours ou partir toujours?

Hélène Petit a vécu presque 10 ans en mode nomade en camion, à deux et seule. Son expérience et ses conseils pratiques se retrouvent dans son livre « vivre nomade en van » aux éditions Ulmer et sur son site carnets nomades . Une partie de son voyage a aussi eu pour objectif de faire le portrait de ceux qui vivent autrement à travers l’Europe, dont elle a témoigné dans le livre « Enquête d’un autre monde ».

Avec beaucoup d’humilité, elle a écouté les désirs de ceux qui étaient autour de la table et elle a expliqué très simplement sa vision de la vie nomade: c’est un mode de vie très simple et frugal, où le confort est sommaire et où on peut avoir froid, chaud, être en galère dès qu’il y a un problème technique. Mais si on l’accepte, c’est un autre rapport au temps, à la liberté et à la nature qui devient possible.

Beaucoup de ceux qui tentent l’aventure ne persistent pas. L’inconfort, le stress, la nécessité de s’adapter en permanence aux circonstances, le décalage par rapport à la vie plus classique peut être trop difficile à vivre dans la durée. C’est une vie qui demande de lâcher prise, de ne plus se mettre de contraintes de temps, d’accepter les surprises et de changer ses plans. C’est tellement loin de nos modes de vie habituels que cela peut-être difficilement tenable dans la durée.

On comprend ainsi pourquoi le projet peut aussi plus modestement être d’avoir une vie nomade saisonnière: un temps sédentaire au travail, un temps de liberté nomade. Pour d’autres, plus contraints, ce sont des escapades courtes, mais salutaires.

La grande majorité des témoignages et histoires de vie nomade, en dehors des peuples qui ont une culture nomade par essence, sont des récits qui ont un début et une fin. Pour Hélène aussi, il y a eu un temps de pause, et l’envie de repartir . Ce sont souvent des cycles, plus ou moins longs. Les écrivains aventuriers d’Alexandra David Neel a Sylvain Tesson, reviennent régulièrement à leur port d’attache.

Partir comment?

L’une des questions sera bien sûr de savoir comment je prends la route, avec quel moyen de locomotion.

Dans le cas assez extrême d’Alexis Girard D’Hennecourt « partout chez soi » où il conte ses aventures de vagabond allumé dans tous les coins du monde, par terre, mer ou banquise, partir c’est partir sans un sou, sans rien qu’un petit sac à dos, par tous les temps, dans la nature comme dans les faubourgs des villes les plus rudes. Le moyen de transport sera le chien de traineau, un vieux rafiot qui manque de s’échouer, les trains, les pieds,… n’importe quoi fera l’affaire.

Mais c’est une démarche qui n’est pas à la portée de tous!

Il y a ceux qui veulent impacter le moins possible l’environnement et choisissent la lenteur. Marche ou vélo seront alors au programme avec peut-être moins d’ambition quand au chemin à parcourir. Quoique… Quand on voit les 10 années de voyages nomades aux 4 coins du monde de la famille Pasche en vélo avec ses enfants dans « famille nomade à vélo », on en reste baba… Pour une vision de la liberté en vélo par intermittence, de façon plus modeste mais cocasse, il y a la charmante BD Le « tour de Belgique de Mr Iou » où un jeune citadin belge décide d’aller découvrir son pays à porté de vélo en faisant des excursions chaque week-end.

Pour le côté pratique du voyage en vélo chez Tana editions on trouvrera de bonnes ressources. Pour la technique: Vélos pratiques. En famille: « a vélo en famille ». Et toute la série des Lonely Planet qui concerne le voyage en vélo pemrmet de préparer son chemin.

Pour le voyage en bateau, je recommande le témoignage dynamisant et plein d’inventivité de Corentin de Chatelperron avec son livre « nomade des mers » où il a voyagé en catamaran pendant 3 ans pour découvrir des solutions lowtechs.

Bien sûr, pour ceux pour lesquels la route en engin à moteur reste le plus judicieux, je renvoie au livre et site d’Hélène cité plus haut: carnets nomades . le beau livre « vanlife » propose aussi de jolis portraits. Et pour ceux qui envisagent la moto et le side-car, je recommande « Berezina » de Sylvain Tesson, pour le frisson de piloter en hiver sur des routes russes défoncées, doublé par des poids lourds de 40 ans d’âge sur la neige…

Partir pour voir ou pour vivre?

Quand on décide de partir dans la durée, plusieurs questions – hors des questions pratiques- se posent:

  • Est ce que je pars avec mon travail à assurer? C’est une option qui devient de plus en plus imaginable et réalisable avec l’accélération de la dématérialisation et du télétravail. Certaines fonctions de production numérique peuvent être totalement nomade. La question sera alors plutôt pour les moments de connexion avec les collègues, clients ou partenaires, est-ce que je vais avoir du réseau? Est-ce que je peux travailler depuis mon véhicule ou est ce que je peux me poser dans des endroits adaptés au bon moment, cafés, lieux de coworking? Un essais très intéressant sur les nouveaux nomades analysent l’imagerie « cool » de la vie des « digital nomads », vraie liberté ou miroir aux alouettes? Déguisement trendy pour une nouvelle précarité plus ou moins revendiquée ou subie: Les nouveaux nomades de Maxime Brousse chez Arkhe.
  • Est ce que je pars seul(e)? Selon Hélène c’est un point qui peut être difficile à résoudre particulièrement pour les femmes. Le ressenti de sécurité ou d’insécurité de la vie nomade peut-être très différent pour chacun(e). Des solutions peuvent être trouvées en se regroupant, en ayant un chien, en évitant certains lieux. Il s’avère d’ailleurs que l’insécurité est plus généralement ressentie ou vécue dans les villes ou les faubourgs des villes et que faire le choix de lieux de nature sauvage ou de campagnes peu fréquentées permet d’éviter la plupart des mauvaises expériences. Commencer par partir à deux, avant de voyager seule, a été un chemin naturel et probablement rassurant pour Hélène par exemple. Sur le mode d’en rire, Katia Astafieff a publié plusieurs récits de ses péripéties dont « Comment voyager seule quand on est petite blonde et aventureuse »

Nous sommes tous des nomades

Pour finir, l’aspiration au nomadisme, au delà de prendre vraiment la route ou pas, nous parle à tous et adresse des enjeux plus larges, qu’explore notamment Félix Marquardt au Passeur dans « les nouveaux nomades ». Un autre rapport au temps, à l’altérité, aux écosystèmes, aux autres,… c’est à cette quête que répond notre fascination pour la vie nomade.

Avec ou sans van, avec ou sans vélo cargo ou sac à dos à poser dans les trains et les bateaux, offrons nous une part de route grâce aux récits qui nous font décoller dans toutes les directions. Quelques idées en vrac, en sortant des nouveautés pour aller vers les classiques ou les redécouvertes:

  • « Le dehors et le dedans« , superbe recueil de poésies écrites par l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier entre 1953 et 1997. Ou encore « L’usage du monde« , récit de son premier voyage en voiture de l’Europe à l’Afghanistan.
  • le tour du monde en 72 jours ou comment Nellie Bly, jeune journaliste explose Phileas Fog en vrai en 1889…
  • Bourlinguer de Blaise Cendrars, écrivain voyageur roublard et débordant de mots, capable de mettre dans ses livres des gros mots, des blagues de collégiens, les livres des autres, le thème astral des renégats, la violence et la beauté.
  • La voie du vide et du vent, pour laisser place à l’image et à l’errance en mêlant poésie et illustration.
  • La déconcertante série Visa transit de Nicolas de Crécy qui conte un périple erratique vers l’Europe de l’Est fait dans sa jeunesse, en forme d’introspection..
  • et pour un voyage moins aventureux et plus modeste « immortelle randonnée » où Jean-Christophe Rufin partage son expérience du chemin de Saint jacques de Compostelle, pas très mystique mais très humaine.

Vous trouverez bien un moyen de prendre la route à faible bilan carbone chez vos libraires préférés